Dans les événements de l’été, il y a une décision qui a pas mal secoué le landerneau de l’audiovisuel : la décision de Netflix de proposer une nouvelle formule d’abonnement avec publicité.
L’annonce a été faite lors de la communication des résultats du 2e trimestre 2022 de la plateforme. Et c’est à la lumière de ces résultats que l’annonce a été régulièrement analysée. Il faut dire qu’ils ne sont pas bons. Pour le 2e trimestre consécutif, Netflix perd des abonnés. Après en avoir perdu 200.000 au premier trimestre, la marque en perd 1 million de plus en Q2. Beaucoup ont commenté ce deuxième chiffre. Netflix avait prévu une perte de 2 millions, ce qui a conduit bon nombre de commentateurs à penser que le service avait réussi à limiter la casse, voire à redresser la barre.
Le publicité sur Netflix, de la panique?
Il n’empêche, l’annonce de l’entrée de la publicité dans le business model de Netflix a été interprétée comme un mouvement de panique. Une tentative prise dans l’urgence de faire remonter le nombre d’abonnés. Le tout couplé avec une chasse aux partages de comptes, qui s’est entretemps déjà révélée plus difficile que prévu à mettre en place.
D’un pur point de vue d’entreprise, il s’agit pourtant là d’une stratégie de diversification qui tombe sous le sens. Netflix en a terminé avec sa stratégie d’expansion territoriale. Elle ne peut plus augmenter son nombre d’abonnés par la simple implantation sur de nouveaux marchés.
De même, sa stratégie d’expansion éditoriale atteint elle aussi ses limites. Elle a réussi, quoi qu’on puisse penser de la qualité des produits, à imposer son concept de glocal: des productions fortement ancrées dans une culture particulière, mais susceptibles d’être appréciées dans le monde entier. Ses productions les plus emblématiques viennent des Etats-Unis, bien sûr, mais aussi d’Espagne, d’Angleterre, de Corée, du Japon, du Mexique ou sont adaptées d’oeuvres polonaises, anglaises, françaises, etc. Elle s’est imposée dans des secteurs comme la série, l’animation, le documentaire ou le stand-up. Elle s’est lancée, pour l’instant avec moins de succès, dans le jeu vidéo, et la téléréalité. Il lui reste peu de domaines à explorer, et se fait déjà damer le pion par Amazon et Disney, via sa licence ESPN, sur les retransmissions sportives.
L’une des faiblesses de Netflix, aujourd’hui, est son manque de diversification. Contrairement à ses concurrents dans le secteur, Netflix ne peut compter que sur une seule source de revenus : ses abonnements.
La pub n'apportera pas plus d'abonnés
Alors bien sûr, proposer une offre d’entrée de gamme pour son service, plus abordable, est une manière d’attaquer de nouveaux marchés, en tablant cette fois sur une base socio-économique. Mais je doute de l’efficacité de l’offre sur l’augmentation du nombre d’abonnés. L’acte d’achat, et plus encore l’acte d’abonnement, est un acte qui coûte psychologiquement cher, et bon nombre d’économistes vous diront que l’argument du prix n’est que marginal dans cet acte. Il est plus difficile de convaincre quelqu’un qui a déjà considéré un achat par le seul argument du prix. Pas impossible bien sûr, juste plus difficile que l’argument de la nouveauté. En clair il est plus facile de dire “viens voir ma nouveauté” que de dire “tu connais mon produit mais, si je te le propose moins cher, tu veux bien l’acheter ?”
D’autant qu’il y aura d’autre part une partie des abonnés actuels qui seront très contents de faire baisser leur facture en passant à un abonnement moins cher.
Tout cela pour dire qu’à mon avis, l’hypothèse d’une tentative d’accroître le nombre d’abonnés par cette offre liée à de la publicité ne tient pas.
Une diversification réfléchie
Par contre, il s’agit là d’une opportunité en or de diversifier ses sources de revenus. C’est clairement vers cela que se dirige Netflix. Ce qui se confirme par ses choix. L’entreprise a choisi de s’allier à Microsoft pour gérer sa régie publicitaire (il faudra un jour qu’on parle de Microsoft, qui est en train, à bas bruit, de devenir un géant des média). Et les premières rumeurs qui circulent font état d’un prix assez élevé pour les annonceurs.
Netflix fait le choix de la publicité haut de gamme, et s’oppose en cela à ses concurrents du web, Google, Meta et Amazon, qui ont toujours tablé sur un tarif abordable et un effet de masse. Quand on sait que ces trois-là pèsent 80% du marché de la publicité digitale, et 50% du marché global, on comprend que Netflix ne cherche pas à les affronter frontalement.
Cependant, Netflix n’est pas la seule plateforme à tabler sur les recettes publicitaires à l’avenir. Forte de l’expérience de Hulu, Disney va aussi proposer une offre meilleur marché pour Disney +. Ou plutôt augmenter ses prix et proposer une offre au prix initial avec publicités. Si ce n’est que Disney, malgré tout ses contenus plus adultes, reste résolument une marque familiale, et se devra donc d’être très prudente dans les messages qu’elle admettra sur ses plateformes. D’autre part, Hulu reste un service exclusivement Nord-américain.
La fin de l'esprit start-up
Il reste donc un créneau de marché disponible, une opportunité à saisir, immédiate, pour diversifier ses sources de revenus.
Le choix de Netflix de proposer de la publicité, tout comme Disney d’ailleurs, n’est pas du football-panique, mais une décision stratégique d’une entreprise qui a terminé sa croissance organique. Lors de la dernière saison, je signalais que Netflix devait arrêter de se comporter comme une startup. Ce choix, parmi quelques autres, est la preuve que c’est exactement la direction que l’entreprise de Reed Hastings semble prendre.
La semaine prochaine, pour la seconde partie de ce dyptique sur la publicité sur les plateformes, je parlerai des conséquences possibles de cette stratégie sur l’industrie et ses financements.