30 Nov 22

L’ Intelligence Artificielle va-t-elle envahir le cinéma ?

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L’intelligence artificielle est-elle le nouveau buzzword à la mode, après l’algorithme, le web3, le metavers, ou va-t-elle vraiment changer nos vies ?

Ce qui est sûr, pour l’instant, c’est qu’elle n’envahit pas seulement les discours des futurologues patentés, elle s’insinue dans nos outils de tous les jours. Il y a à peine quelques semaines, on s’émerveillait des dessins enfantins générés par le programme Dall E-2, et voilà qu’aujourd’hui on retrouve ces mêmes fonctionnalités dans Canva (l’image qui illustre cet article a été générée par leur moteur d’intelligence artificielle), dans Notion, qui produit non seulement du texte mais aussi du code, automatiquement. Sans oublier, bien sûr, nos assistants vocaux, ou le système recaptcha qui permet à Google d’affiner la reconnaissance de photos.

Bref, les IA sont là. Elles sont devenues un produit grand public. GPT-3, le modèle d’IA d’Open AI est disponible à qui veut s’en servir pour un prix dérisoire. Reste à savoir ce que sont vraiment ces IA et à quoi elles pourront bien servir.

Les IA restent très A

L’intelligence artificielle, d’abord, porte plutôt bien son nom. Elle imite le fonctionnement de l’intelligence humaine. C’est un artifice, forcément basé sur la connaissance humaine du fonctionnement de sa propre intelligence. Connaissance qui, rappelons-le, reste très parcellaire. Les neurosciences elles-mêmes font constamment des découvertes qui contredisent ce que nous pensions il y a quelques années encore.

Très schématiquement, l’intelligence artificielle reproduit donc, à grande échelle, ce que nous savons de notre processus d’apprentissage. Des algorithmes interconnectés à la façon de neurones analysent d’énormes banques de données, puis réintroduisent le feed-back dans les données à analyser. Elles finissent ensuite par privilégier un certain type de réponses par rapport à d’autres, tout comme nos neurones renforcent un certain type de connexions par rapport à d’autres.

Tout cela marche très bien sur le papier, mais provoque parfois quelques petites catastrophes, dont on aime se gausser comme cette IA conversationnelle lâchée sur Twitter, devenue raciste et glorifiant le nazisme en moins de 24 heures. Les internautes sont taquins.

Si ce n’est que, ce genre d’anecdotes, c’était il y a 6 ans. Une éternité dans ce monde.

Aujourd’hui, pour des tâches relativement simples, comme écrire un tweet ou même un article de blog sur un sujet donné, les résultats sont assez saisissants.

L'intelligence artificielle à l'écriture

Il n’a évidemment pas fallu bien longtemps pour que des petits malins tentent l’expérience sur des scénarios, en faisant ingurgiter des milliers de scripts à une Intelligence Artificielle. Le résultat, bien sûr, tient plus de la blague que du film. Ou du stunt marketing dont raffole tant Netflix.

Mais là aussi, les choses vont très, très vite. Ce lundi, je recevais par exemple dans mon feed cette annonce : un analyste des données du cinéma et un scientifique des particules de l’Université d’Upsalla - étrange combinaison - sont en train de développer une Intelligence Artificielle chargée d’écrire un scénario. On n’est cette fois plus dans le domaine de la blague, mais de l’expérience en temps réel. L’expérience est sous contrat avec un studio américain dont on ne connait pas encore le nom.

Une IA peut-elle faire de l'art ?

Impossible, à ce stade, de prédire ce qu’il en sera de ce scénario. Mais toute cette agitation semble pourtant suffisante pour que les débats s’enflamment, que les réflexions hors-sol commencent à fleurir. Le métier de scénariste ou de monteur va-t-il mourir ? Une IA peut-elle être détentrice d’un droit d’auteur ? Est-ce qu’on est entré dans l’univers de Terminator ?

Rien de tout cela n’a de sens, bien entendu. Puisque justement, le sens, c’est ce qu’une IA est incapable de produire. Une IA est fondamentalement probabiliste alors que le sens ne vient que de la divergence.

Ce qu’elle peut produire, par contre, c’est de l’itération. Des recombinaisons d’éléments dans un ordre logique, ou du moins compréhensible, parmi lesquelles il est possible de choisir. L’IA est une force de proposition extrêmement puissante. Mais elle risque d’avoir beaucoup plus de mal à produire de l’art.

Pourquoi ? A cause de deux facteurs, l’empathie et l’abstraction.

La capacité d’empathie est ce qui nous permet de comprendre les sensations et expériences des autres. C’est ce qui nous permet de ressentir ce qu’ils ressentent, et de comprendre leur point de vue.

La capacité d’abstraction est ce qui nous permet de voir le monde de différentes manières. C’est ce qui nous permet de prendre le concret et d’en faire quelque-chose d’abstrait. C’est ce qui nous permet de voir le monde non pas comme il est mais comme il pourrait être.

La combinaison de ces deux choses - l’empathie et l’abstraction - est ce qui nous permet de créer de l’art.

Si vous trouvez que ces quelques lignes sur l’empathie et l’abstraction sont ma foi fort intelligentes, sachez qu’elles ont été créées par GPT-3, l’IA dont je parlais au début de l’article.

Bref, revenons-en au cinéma et aux IA.

Loin des théories perchées

On pourra toujours s’embarquer sur de grandes théories philosophiques, et s’amuser à jouer les futurologues à la Laurent Alexandre. On peut aussi être plus terre à terre et regarder ce qu’il est possible de faire maintenant ou dans les mois à venir.

Ainsi, plutôt que de faire voir à une IA standard 4000 films d’horreur en espérant qu’elle en reproduise la quintessence, on pourrait l’utiliser pour esquisser - juste esquisser- des pistes de scénarios, des propositions de montage, des choix d’étalonnage. On pourrait aussi, sans doute, les utiliser pour générer plus rapidement et à moindre coûts des décors pour les studios virtuels, qui, eux aussi, sont amenés à se démocratiser. En clair, s’éviter les moments fastidieux, pour ne plus se concentrer que sur le choix lui-même, et sur l’exécution du produit fini.

Mais il y a évidemment un autre usage de l’intelligence artificielle qui, elle, est déjà bien implantée dans les usages: le deepfake. Ce n’est, là non plus, pas vraiment une technologie révolutionnaire. Rappelons-nous les manipulations de Georges Lucas sur la deuxième trilogie Star Wars. Mais elle a atteint un tel niveau de maturité qu’elle est aujourd’hui à la portée de tout le monde. Ses usages sont déjà nombreux comme la synchronisation des mouvements de bouches sur les voix pour rendre les doublages plus réalistes, ou encore la synthétisation de voix, qui a par exemple permis à Val Kilmer d’avoir des lignes de dialogue dans Top Gun : Maverick.

Pour le dire de manière synthétique, alors que les philosophes de salon et les éditorialistes se gargarisent de références au cyberpunk pour se rajouter un sujet de conversation quand ils ont fini de parler de la menace Woke, la technologie avance sur un autre terrain, bien plus fécond. Celui d’une démocratisation d’outils qui offrent des possibilités de plus en plus riches aux créateurs, des moyens d’accélérer le travail, la prise de décision, et surtout, de réduire les budgets. Tout bénéfice pour les créateurs, qui ne sont pas près d’être remplacés par des machines.


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