mars 15

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Plus rien ne sera comme avant? Espérons-le !

Le 12 mars dernier, je retrouvais certains ex-collègues du cinéma Palace pour un lunch. L'ambiance était étrange. Nous passions notre temps à égréner les salles de spectacles qui annonçaient, à tout de rôle, leur fermeture sur les réseaux sociaux.

Le lendemain, nous nous enfermions tous chez nous.

A l'heure où j'écris ces lignes, à peine deux semaines se sont écoulées. Quand je n'écris pas et que je n'élabore pas des projets, je m'occupe de mes filles. Ma femme, enseignante, alterne les permanences inutiles dans une école vide. Près de chez moi, une autoroute, presque vide elle aussi, où de temps en temps une ambulance passe, toutes sirènes hurlantes.

Deux semaines de chambardement. En deux semaines, plus personne n'est vraiment capable de se projeter dans l'avenir.

Quelques semaines plus tôt encore, je faisais dans ma newsletter mes prédictions pour le cinéma des 10 années à venir. En avertissant que je me planterais sans doute. J'ai bien fait.

Il n'y a aujourd'hui plus moyen de savoir ce qu'il se passera. On ne peut qu'espérer.

cinéma

Si il y a un avantage aux situations de crise, c'est qu'elles remettent sur le devant de la scène des évidences oubliées. Comme celles-ci :

Première évidence : l'industrie du cinéma est une chaîne.

Qu'un seul maillon saute, et plus rien ne fonctionne.


Malgré tous les discours sur le streaming (comme sur le DVD avant lui), on en revient à se rendre compte que la salle est le lieu indispensable pour la plupart des films. Parce qu'ils sont pensés pour la salle, conçus pour elle, et promus pour y être projetés.


Toute la chaîne de l'industrie considère inconsciemment comme une évidence que les salles seront toujours là pour montrer leurs films. Elles ne sont plus là. Elles reviendront, bien sûr. Mais pour le moment, toute l'industrie se trouve dans cette situation inédite : ne pas savoir quoi faire des films qu'ils ont en catalogue, tout en sachant qu'un "trou" existera dans la programmation au moment de la reprise, puis dans les mois à venir à cause de l'arrêt des productions.


Peut-être qu'une des conséquences de cette crise sera de ne plus considérer la salle comme une évidence. Déjà, la situation devenait impossible : trop de films pour trop peu d'écrans, une durée de vie qui ne permettait plus le bouche à oreille. Tout le monde se disait qu'il fallait que ça change.


Peut-être que ce sera l'inverse : on considérera la salle comme le centre absolu de notre activité. Et on cessera, peut-être, d'être dans une situation de conflit, pour rentrer dans un rapport de solidarité. Fin du moment Bisounours.

Deuxième évidence :  le cinéma reste un commerce de proximité.

Il a ses supermarchés et ses épiceries, plus ou moins fines. Mais sans proximité, pas de cinéma.


Tout le monde, dans la cinéphilie, a un jour glosé sur ce qu'était un film, par opposition à un téléfilm ou, plus péjoratif encore, de l'audiovisuel. Tout cinéphile qui se respecte a eu un jour cette phrase pédante : "Ca, c'est du cinéma".


On en revient là aussi aux fondamentaux. Le cinéma, ce n'est pas (que) de l'art, c'est une expérience.


Le cinéma, c'est sortir de chez soi. Retrouver des copains, son amour, sa famille. C'est payer un ticket. C'est râler sur ses voisins de rangée.


Et ce n'est que ça. Le reste, c'est un film.


Qu'il soit de masse ou intime, le film de cinéma est une expérience de communauté. C'est cela qu'on vend d'abord et avant tout. Avant les films en eux-mêmes.


Et, oui, un film Netflix qui se retrouve dans une salle, devient un film de cinéma. Désolé de relancer la polémique.


Cette distinction-là, il va falloir la refaire quand les choses reviendront à la normale. Cela voudra dire, penser au spectateur, à ce qu'il attend, et à ce qui le bloque.

Troisième évidence : le spectateur est encore et toujours un inconnu.

Nous sommes tous là, à courir comme des poulets sans tête, et à espérer que les spectateurs auront la curiosité de voir les films sur les plateformes, de payer pour les voir.


Et surtout, qu'ils reviendront dans les salles ensuite.


Et on n'en sait toujours rien.


On en est encore à voir les spectateurs comme des catégories socio-professionnelles, des tranches d'âge, des profils.


Partout ailleurs (je dis bien partout!), le marketing se fait par niches, par segmentation, par parcours client. Des termes barbares bien sûr, mais qui recouvrent une réalité qui l'est beaucoup moins : il n'y a pas de marchés, il n'y a pas  de comportement standard.


Il n'y a qu'une extraordinaire complexité, où chaque individu est une multitude de choses à la fois, et qui fonctionne par sentiment d'appartenance (de sentiment, pas forcément d'appartenance réelle). Qui plus est, ces appartenances sont fluctuantes dans le temps. On peut être fan absolu de quelque-chose pendant un moment de sa vie et ne plus l'être quelques années plus tard. Notre seul point d'accroche, c'est ce sentiment d'appartenance à une communauté.



Tout ça, le cinéma le raconte tout le temps. Tout ça, l'industrie du cinéma s'en soucie comme d'une guigne.


Il sera grand temps, au moment de la reprise, de comprendre ses spectateurs. 


Individuellement.


Si, bien sûr, les choses reprennent leur cours plus ou moins normal ...


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